Témoignage de Cécile (les prénoms ont été changés)
Quand l’école ressemble à un parcours du combattant…
J’ai 49 ans, 2 enfants de 15 ans et 18 ans. Je suis divorcée de leur père.
J’ai eu un parcours scolaire chaotique, avec la sensation très souvent de ne pas comprendre ce que l’on attendait de moi, mais j’ai eu la chance de croiser 2 enseignantes qui m’ont comprise et donné confiance malgré tout. Le père de mon fils,de son côté, est dyslexique, a eu un parcours scolaire difficile et s’est arrêté au CAP.
Nos deux enfants ont des profils tout à fait opposés.
Ma fille Hélène a toujours été à l’aise à l’école. Elle adorait, petite, lire les lettres de l’alphabet et a appris à lire et à écrire de manière très fluide. Son parcours scolaire a été sans difficultés… elle était « bonne » à l’école, avec néanmoins un burn-out inattendu en terminale (j’explique pourquoi un peu plus loin.)
Il en a été tout autrement concernant mon fils, Alexandre.
Dès la 2ème année de classe de maternelle son instituteur m’a dit : « il y a un problème avec Alexandre… » Je me suis demandé de quoi il parlait : quel problème peut-il y avoir en maternelle où ils sont censés jouer et faire des dessins??
En grande section, dès la rentrée, sa maîtresse m’a dit : « Je suis inquiète pour le CP »… (qui était pourtant dans un an!)
A la rentrée au CP, l’institutrice m’a envoyé lui faire faire des bilans ORL ophtalmo orthophonique orthoptiste…
De réelles difficultés ont été détectées en orthophonie mais sans diagnostic précis, donc la maîtresse du CP a quand même décidé de mettre une grosse pression à Alexandre, avec une flopée de devoirs à la maison !…
Vers le mois de décembre alors qu’il venait à peine d’avoir 6 ans, au retour de l’école, mon fils me dit en me regardant au fond des yeux : « Maman, je n’ai plus le goût de vivre ».
Là, j’ai dit à l’institutrice et à la directrice de l’école « fichez-lui la paix s’il vous plaît, faîtes-le redoubler si vous voulez mais laissez-le tranquille ! »
Au 2ème CP et au CE1, il a eu la même maîtresse qui m’a dit : « Alexandre est un oiseau mazouté » (Apparemment, elle constate qu’il n’arrive pas à avancer comme les autres mais elle ne comprend pas ce qui le bloque) « Il me rend folle, il a toujours un stylo qui tombe, ou une règle, il a toujours besoin de gigoter !! »
En CE2, il est diagnostiqué dyslexique et dysorthographique sévère.
En CM2, il est diagnostiqué dyscalculique.
Au cours de ses années de primaire, Alexandre ne bénéficiera d’aucun aménagement ou adaptation pédagogique. Pas même de dictée aménagée, ou de dispense de récitation. RIEN !
Par contre, une équipe pédagogique se réunit pour mettre en place un Plan d’Accompagnement Personnalisé (PAP) censé faciliter son adaptation en 6ème.
Je précise que mon fils a fait sa rentrée au collège avec un niveau de français de CE2.
A la rentrée de 6ème, je prends rdv avec l’infirmière scolaire et la prof de math, confiante. Et là, les deux compères décident que « oh ben le PAP on n’en tient pas compte et on refera le point dans 3 mois ! » et la prof de math d’ajouter « C’est donnant-donnant : si Alexandre ne fait pas d’effort, on n’en fera pas ! » Il est évident qu’en partant sur des bases pareilles… cela s’est mal passé !
A la première réunion parents-professeurs j’ai constaté qu’aucun enseignant n’était au courant des difficultés d’ Alexandre et encore moins du PAP, et surtout qu’aucun enseignant ne savait quoi mettre en place pour un élève « différent ». (et pourtant, à l’école, nombreux sont les enfants dyslexiques ! )
La prof de math s’est acharnée sur lui toute l’année et a fini par le coller en fin d’année avec pour punition hautement pédagogique : RECOPIER ENTIEREMENT 2 PAGES DU LIVRE DE MATH !!! Quel est l’intérêt de lui avoir fait faire cela ?
En fin d’année de 6ème, la proviseur adjointe m’a dit : « Nous n’avons pas pris votre enfant au sérieux car il n’a pas de reconnaissance de handicap » (Je me suis dit : une reconnaissance de handicap ?? mais mon fils n’est pas handicapé ??!! Il a même de multiples talents, non reconnus pas l’école : il est débrouillard, intuitif, intelligent, sensible, leader, agile avec son corps et il a un bon potentiel artistique…)
A ce moment-là, j’ai compris qu’il fallait que je rentre dans ce système si c’était le seul moyen de le protéger de tout ce bazar, alors j’ai entrepris les démarches auprès de la Maison de l’Autonomie.
En 5ème, les profs sont différents mais la situation de Alexandre reste inchangée, sauf qu’il a de plus en plus de mal à aller au collège. Il se rebelle de plus en plus durement et cela déplaît.
A la 1ère réunion parents-profs, les enseignantes de français et de math me disent « aidez-nous, certains élèvent arrivent au collège sans savoir ni lire ni écrire, mais nous on ne peut rien faire pour changer les choses !! »
Pour Alexandre, rien ne change malheureusement…jusqu’au CONFINEMENT.
Du jour au lendemain, l’école que je croyais OBLIGATOIRE devient INTERDITE !!!
Le bonheur pour mon fils !!!
Adieux veaux, vaches, cochons : il a tout lâché, devoir à la maison, école depuis la maison : dans vos rêves !! Et moi j’ai respiré : plus d’appels du collège, plus d’absences injustifiées, c’est un grand OUF de libération, enfin !!!
Parce que pour être claire, franche et transparente, en dehors de ses difficultés d’apprentissage et de son malaise scolaire ce qui a été le plus usant tout au long de ces années c’est la pression que l’on m’a collée, le poids que l’on m’a obligé à porter en plus du quotidien. Le jugement porté sur moi, en tant que « mère d’un élève qui pose problème », comme si j’étais responsable du problème et qu’on me demandait de le régler. Et notre de vie de famille en a pâti.
Pour ma fille aussi, la situation scolaire de son frère était dure à vivre : assister à cet échec, sans espoir d’amélioration, augmentait sa peur de ne pas réussir. Cela s’ajoutait à la pression scolaire exercée sur les élèves, dès les classes de primaires, en prévision du Brevet puis du BAC ! Elle avait l’impression que si elle ne réussissait pas, elle n’aurait pas d’avenir…
Puis Alexandre rentre en 4ème, et là, même topo.
Comme la loi le prévoit, pour les élèves présentant des troubles “dys”, un enseignement adapté doit être mis en place…ça, c’est la jolie théorie ! La réalité, c’est que la loi est absolument méconnue et surtout pas appliquée. Donc Alexandre a continué de galérer et à souffrir de plus en plus, psychologiquement, de toute cette situation.
Après 18 mois d’attente, en janvier et février, il fait un bilan complet au Centre Référent des Troubles du Langage et des Apprentissages de LA TRONCHE. Et là j’ai pris une grosse claque. Du genre qui met KO. Une équipe bienveillante (enfin ! ce qui fait du bien !) qui parle à mon fils de son potentiel, de ses qualités, qui avance à son rythme sans le forcer et qui obtient sa coopération.
Mais j’ai reçu une claque, quand l’orthophoniste a dit à mon fils : « parfois l’école est maltraitante, et c’est le cas avec toi, Alexandre… ».Tout était dit. J’ai eu le sentiment qu’ils m’avaient rendue complice de mauvais traitements envers mon enfant.
Nous étions en avril. J’ai commencé à lâcher. Heureusement, la médecin scolaire récemment nommée a compris la situation d’ Alexandre et a réussi à obtenir un aménagement d’emploi du temps a minima.
Pour la rentrée de 3ème, cela s’annonce mieux car le prof de français est formé pour enseigner aux élèves comme Alexandre sauf que ce dernier craque et décroche totalement.
Dans le même temps, ma fille et moi craquons aussi. Je lâche mon job, et ma fille qui réussissait pourtant bien n’arrive plus à retourner au lycée pour la dernière ligne droite avant le BAC : trop de pression accumulée au niveau scolaire depuis des années, et de règles absurdes liées au Covid (confinement, déconfinement, masques, reconfinement, cours une semaine sur deux, etc…) et puis le dégoût de voir comment l’école peut bousiller un élève .
Aujourd’hui Alexandre a 15 ans.
Il a décroché du collège en début d’année, il n’a pas passé son brevet, il ne sait pas ce qu’il va faire à la rentrée 2022. Le mot école le fait vomir…
De mon côté, j’ai été une maman obéissante, je l’ai envoyé à l’école, malgré son mal-être et malgré un résultat catastrophique pour lui et pour nous…parce que je pensais bien faire : ce sont des professionnels de l’enseignement à qui nous confions nos enfants, parce que c’est notre devoir de parents et notre responsabilité… Mais je n’ai pas compris qu’eux non plus ne comprenaient rien et je ne connaissais pas l’instruction en famille (notion que j’ai découverte cette année). Je ne savais pas que j’aurai pu faire autrement, pour un résultat qui n’aurait pu qu’être mieux !
Maintenant je sais que leur formation ne leur permet ni d’enseigner ni de détecter de réelles problématiques.
Aujourd’hui, je constate que j’aurais pu faire autrement, qu’il y avait un autre chemin possible, et pour autant, je ne peux pas garantir que je l’aurais pris. Mon rapport à l’école a été compliqué, ce qui a altéré ma confiance en moi au niveau scolaire… ça aurait été compliqué pour moi d’oser faire ce choix, car l’idée de me coltiner les programmes scolaires seule avec mon fils ne m’aurait pas fait bondir de joie. Mais en cotoyant des parents qui ne mettent pas leur enfant à l’école, je m’aperçois qu’il y a d’autres façons d’apprendre, plus légères et moins formelles… je me dis donc qu’avec le temps, j’y serais peut-être arrivée, moi aussi.
De plus, la maturité aidant, je m’interroge maintenant quant à la pertinence de tout ce « gavage scolaire » qui me paraît souvent inutile (vite appris, vite oublié) mais qui n’apprend pas à nos enfants les bases essentielles pour mener une vie épanouissante et sereine.
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