Une « prof » témoigne…

1er témoignage

Fille d’une fonctionnaire de l’Education Nationale, petite fille d’une institutrice, j’ai grandi dans un collège, entourée de profs et d’élèves. Passionnée par l’instruction et l’éducation des enfants dès mon plus jeune âge, je souhaitais me destiner soit à une carrière de juge pour enfants, soit à l’enseignement. Je me suis initialement dirigée vers des études de droit. Toutefois, au cours de mon bac +5 en droit, j’ai réalisé qu’en tant que Juge pour enfants, on arrivait trop tard, une fois que l’enfant était déjà dans une situation, sinon dramatique, au moins difficile. J’ai donc choisi de me diriger vers l’enseignement et notamment l’enseignement en primaire, afin de pouvoir accompagner les enfants dès leur petite enfance. Une fois mon diplôme de droit terminé, je me suis ainsi dirigée vers la préparation du concours de Professeur des écoles. Ce métier était un réel choix pour moi, pas une décision par dépit.

Au cours de mon année de préparation au concours, nous avions à effectuer trois stages au sein des trois cycles de primaire. Et au cours de ces stages, je me suis retrouvée confrontée à des situations que je n’aurais jamais cru possibles. Mon premier stage m’a montré le pire, au point que j’ai envisagé un signalement pour maltraitance. Ma jeunesse, et mon éducation à obéir et ne pas faire de vagues ont eu raison de mon élan initial. Nous étions dans la classe d’une enseignante expérimentée… En théorie. Mais les maltraitances psychologiques envers certains enfants étaient insupportables. Notamment deux enfants qu’elle avait, pour je ne sais quelle raison, dans son collimateur, étaient à longueur de journée brimés, rabaissés publiquement… A tel point, que c’était devenu normal pour les autres enfants de tenir des propos rabaissant envers ces enfants-là. Pour exemple, un jour où la lecture était travaillée, je me pose près d’une petite fille qui semblait en difficultés, pour voir comment elle se débrouillait et si je pouvais l’aider. Alors que je venais de commencer à travailler avec elle, l’enfant de devant se retourne et me dit « ça ne sert à rien de perdre du temps avec elle, elle est nulle, elle n’y arrivera pas ». J’étais sidérée de tels propos, mais j’ai compris que cet enfant ne faisait que répéter ce qu’il entendait à longueur d’année au sujet de cette enfant. En discutant un peu avec cette petite fille, j’ai appris qu’elle avait redoublé son CP et qu’elle avait pour la deuxième année consécutive cette même enseignante… Aujourd’hui encore, je suis marquée par ce stage, et je continue de m’en vouloir de n’avoir pas pu ou su quoi faire pour aider cette petite fille. D’autant plus que le temps que j’ai passé à l’accompagner m’a montré qu’elle était très vive d’esprit et respectueuse. Elle ne se rebellait jamais face aux injustices dont elle était victime, elle avait intégré que c’était mérité, que le problème venait d’elle. Un autre enfant dans cette classe subissait également des brimades… L’enseignante ne supportait pas qu’il pose des questions, pourtant des questions en lien avec le sujet de la leçon. J’ai donc pu entendre des phrases comme « tu n’as plus le droit de parler de la journée » en tout début de journée, après une seule tentative de question. Et l’enfant restait alors silencieux tout le reste de la journée, alors qu’il était actif et intéressé pour apprendre… Il n’était qu’en CP… Je ne peux qu’imaginer les conséquences sur un esprit si jeune.

Ce que j’ai pu observer au cours de mes quelques années au sein de l’éducation nationale, c’est que l’état d’esprit du Directeur de l’école, bien qu’il ne soit pas le supérieur hiérarchique des autres enseignants, avait un impact énorme sur l’état d’esprit de toute l’école. Et dans cette école de l’Académie de Grenoble, le Directeur n’était clairement pas (ou plus) passionné pas le développement des enfants et leur bien-être psychique. Ainsi j’ai pu être témoin de scènes choquantes dans la cour de l’école, comme des enseignants qui ignorent ou repoussent violemment les élèves venant demander de l’aide pour la résolution d’un problème. J’ai vu cette même enseignante physiquement malmener un enfant qui s’était coincé son étiquette de courseton autour de la tête à cause d’une ficelle trop courte. En plus de le rabaisser verbalement sur ses capacités cognitives, elle lui a clairement fait mal en tentant de tirer sur la ficelle, puis la renvoyé sans avoir résolu son problème par manque d’envie d’aller chercher des ciseaux. Je me suis alors moi-même chargée de le libérer de la ficelle, discrètement, de peur de me faire réprimander pour mon initiative.

A cette époque-là, je me disais encore que cette situation était une exception et ça n’a donc pas ternie ma vision de l’école pour autant. Une fois mon concours obtenu, je suis partie faire mon année de stage en Ardèche, à l’IUFM de Privas. En Ardèche, à ce moment-là, tout était fait en faveur d’une scolarisation très précoce des enfants, dès 2 ans. Et pour dire à quel point je n’avais rien contre l’école, je trouvais très bien de scolariser dès 2 ans, et je me disais que je chercherais à scolariser mes enfants dès 2 ans, en Toute Petite Section, quand j’en aurai.

Puis j’ai eu une classe semi-unique dans un petit village avec des enfants de Toutes Petites Sections au CP. Si cette classe m’a énormément plu sur l’aspect petite école, classe multi-niveaux… Je me suis pris de plein fouet le décalage entre les besoins des jeunes enfants et ce que l’école leur propose. Il suffit d’observer de jeunes enfants pour comprendre leur besoin de mouvement quasi permanent, leur besoin d’explorer par leurs cinq sens avec une priorité pour le toucher et donc des apprentissages dans le concret, là où l’école persiste à proposer à l’enfant de travailler assis, encore beaucoup trop souvent sur des fiches et donc de l’abstrait. Grâce à quelques enseignants passionnés et courageux, on trouve désormais des pédagogies plus adaptées aux besoins des jeunes enfants, comme la pédagogie Montessori, mais encore bien trop peu, notamment car cela nécessite un investissement financier personnel pour les formations, le matériel, et également des formations sur le temps privé.

Au cours de mon année en tant que stagiaire, j’ai vu une volonté d’étouffer toute tentative de faire évoluer, d’être créatif dans l’enseignement. Clairement, ce qui était attendu de nous était de rentrer dans le rang, dans des cases prédéfinies. Je commençais vraiment à percevoir les limites du système pour le développement et le bien-être des enfants. De plus, en faisant le point sur les enseignements qui nous ont été faits, ils étaient beaucoup plus axés sur comment faire de bonnes fiches de préparation, organiser les enseignements sur l’année (ce qui est important mais pas suffisant, pas essentiel), mais très pauvre en termes de pédagogies, de développement neuropsychologique, de développement moteur… J’ai vu des enseignants stagiaires arrêtés en plein vol car ils souhaitaient faire les choses différemment. Mes années en tant qu’élèves m’ont permis d’être capable de faire ce qu’on attendait de moi : être conforme. J’ai serré les dents et les poings, me disant que le jour où j’aurai ma classe, je pourrai faire les choses à ma façon, utiliser pleinement la liberté pédagogique que chaque enseignant est censé avoir. Mais cette liberté reste un leurre. Les enseignants sont libres… dans un cadre très restreint. Et leur liberté est très variable et inégalitaire en fonction de leur inspecteur de secteur.

2ème témoignage

Je me suis retrouvée dans le secteur d’une inspectrice qui avait été enseignante dans mon école lorsque j’étais enfant. En tant qu’enseignante, elle était juste horrible, traumatisante. Je ne l’ai jamais eu personnellement, mais les enfants qui étaient en classe avec elle en avait peur, la détestait, et les enfants du reste de l’école en avait également une peur bleue de par son attitude lorsqu’elle était de surveillance dans la cour. Aucune empathie, énormément d’interdits injustifiés (les autres enseignants ne posaient pas les mêmes), des punitions à la pelle… J’étais pourtant une élève plutôt calme, qui n’avaient pas de soucis avec les enseignants, et elle me terrorisait, je rêvais qu’elle quitte l’école. Et sans grande surprise, en tant qu’inspectrice, elle était égale a elle-même. Les enseignants la détestaient et la craignaient. Elle n’apportait rien aux enseignants de son secteur, si ce n’est de la crainte et de l’énervement. Quand je suis devenue parent IEF, j’ai rencontré des parents en IEF qui étaient dans son secteur. Et le constat était le même pour les parents en IEF. Donc cette personne, a fait des dégâts pendant des années en tant qu’enseignante, puis aujourd’hui inspectrice, elle va pouvoir nuire pendant de nombreuses années tant aux familles pratiquant l’IEF, qu’aux enseignants du primaire, et donc indirectement à tellement d’enfants instruits en écoles privées, en écoles publiques et en famille. Mais sa pratique n’est remise en cause par personne, elle est juste subie par toutes ces personnes.

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